Jun 19, 2012

ouvrir pour soi, ouvrir pour les autres, entrer, faire entrer, tenir la porte

j'ai fini hier Mon Pouchkine de Marina Tsvetaïeva, mince livrelet, hommage à ce que dans l'enfance on comprend des histoires avant de tout comprendre, au pouvoir évocateur des mots, aux sens imaginés dans l'ombre, dans le flou précis de l'image immédiate.  J'ai lu j'ai bu j'ai reconnu. 

Le plaisir de l'apprentissage des autres langues viendrait de vouloir répéter ce moment dans l'enfance où les mots ont encore une autre force que celle du sens, une puissance invocatrice plus définie que celle de la musique? L'ignorance qui veut savoir désire et tâte tant qu'elle trouve toujours une ressemblance, un quelque chose, une association qui illumine, et ce qui est vu à cette lumière est inoubliable.

Le texte est traduit par André Markowicz, qu' infiniment je remercie (comme disait ma grand-mère) pour ses traductions de Dostoïevsky. Parce qu'on a beau être omnivore et affamée, moi, Fiodor, longtemps longtemps y'avait rien eu  à faire. J'essayais j'essayais, mais au bout d'un moment j'oubliais de continuer. Et puis Markowicz m'est tombé dans les pattes. Et tout d'un coup ça courait, ça vivait et miracle ça rigolait. Crime et châtiment et des fois on rigole. Ça crime et ça châtie comme avant, mais de temps en temps ça rigole. Je répète à cause des idées toutes faites qui sont têtues.

Donc, Mon Pouchkine, celui de Tsvetaïeva, c'est lui qui l'a traduit, il y a 25 ans déjà. Il dédicace cette édition à Eve Malleret. Ignorante des choses russes, je me dis, Eve, c'est une de lui aimée. Ben non (ou oui aussi peut-être) mais c'est surtout la première traductrice de la poésie de Tsvetaïeva en français. J'ai cherché une photo d'elle sur le net, rien. Tsvetaïeva oui, Markowicz, oui, Malleret rien. Elle était prof au lycée Evariste Galois ( qui comme Pouchkine est mort en duel, à 20 ans) à Sartrouville. 

Bon j'arrête là. On tire on tire les choses viennent, résistent, s'éboulent et vous engloutissent.

 

 

 

3 comments:

  1. Il y a une très belle photo d'Eve Malleret dans "Le poème de la montagne, Le poème de la fin" de Marina Twvétaïéva qu'elle a traduit à l'Age d'Homme en 1984. Il y a aussi à la fin du volume un très bel article d'elle : "Tsvétaïva ou la vitesse intérieure".
    J'ai beaucoup aimé le poème "Tentative de jalousie" par elle traduit ! Bel été. CarolineR

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  2. ben comme quoi, internouille n'a pas image à tout désir... merci. tu les as, tu peux me les envoyer sans trop de complications?
    (J'ai un peu peur de lire sa poésie, ces jours. Et son journal, pire encore... Certains jours, certains puits.)

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    1. Huit ans plus tard. Je mène aussi une enquête sur Eve Malleret, dont je découvre le génie traductif en me disant "il faut que je lui écrive merci" avant de découvrir qu'elle n'est plus de ce monde depuis longtemps. Nous aurions une autre Tsvetaeva, sinon. Je n'ai rien contre les traducteurs qui ont traduit le reste, mais rien pour non plus. Comme je suis en mesure de comparer l'original et la traduction, je peux dire qu'elle a réussi le tour de force de conserver et recréer sans y mettre d'ego linguistique ou poétique, comme d'autres, la poésie de Tsvetaeva.
      Si ce mot arrive à l'écran de quelqu'un, sachez que je serais très heureuse de lire l'article dont il est question dans le commentaire de CarolineR et de voir la photo. Sinon un jour je me procurerai l'ouvrage.
      Merci !

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