Dec 4, 2010

jusqu'à la rosée

nous, on en avait marre de trembler. On tremblait beaucoup, c'était notre manière d'être un peu vivant au milieu de tant d'obligations. On aurait préféré sauter à la perche ou pêcher à la mouche ou apprendre à se battre à mains nues contre les couteaux de cuisine, n'importe quoi mais on n'avait pas le temps. Trembler, ça vient tout seul, pas besoin d'aller aux cours du soir.
Nous, tu veux savoir, on était combien?

On était cinq la semaine et une douzaine les soirs de fériés.

Cinq à trembler, on aurait pu se débrouiller pour faire autre chose. Oui.
Mais trembler c'est une porte, aussi, et il n'y en avait pas tant que ça, des portes, les semaines de notre vie, à cette époque.
On allait se chercher une bière, une seule mais une grande, et elle tournait lentement. Ensemble, on la buvait juste assez vite pour que la dernière gorgée ne soit pas immonde, pas vraiment trop tiède. Un coup à prendre.
Chacun s'y mettait quand il voulait, quand ça le prenait, tremblait parfois si fort qu'il  lui fallait s'asseoir. L'herbe brûlée piquait les peaux, Luisa avait une espèce de couverture doublée d'un plastique épais, un truc fabriqué comme pour des pique-niques en enfer, et on se serrait là-dessus, à trembler.

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