Mar 26, 2012

2 photos de Jindřich Štreit

la première
Un mur de pierres plates derrière lequel on voit un village, des fermes et une petite fabrique, plus tout à fait rural. C'est l'hiver, deux pauvres arbres sans feuilles font désordre à côté des verticales de la ligne électrique.
Devant le mur, de hautes herbes, et parmi elles une tombe. C'est peut-être un vrai cimetière, mais on ne voit pas d'autres tombes. Deux pierres de granit superposées, une grande couronne, et  trois personnes. Une femme agenouillée, en manteau à carreaux, arrange les fleurs. Debout derrière elle, une  autre femme, une vieille à en juger par ses joues qu'elle avale,  en foulard blanc et  capote militaire qui lui tombe jusqu'aux pieds. Il y a aussi un gosse avec un gros bonnet à pompon et un survêtement comme un bleu de travail pour petit enfant. Il se serre les mains, il regarde avec inquiétude ce que fabrique la femme agenouillée.
Et puis il y a son frère.
Silhouette de joie, sept-huit ans, maigrichon en chandail, il est en train de sauter du mur. De bondir du mur. En plein ciel, son sourire flotte au dessus de toute l'affaire comme une chose qu'il sera toujours impossible d'éteindre.

la deuxième:
Elle est assise sur un lit ou un canapé recouvert d'une couverture militaire. Elle regarde intensément quelque chose qui se situe sur sa droite à la hauteur d'un homme debout, vers lequel elle tend la main. Sur ses genoux, un petit enfant en pyjama, totalement chauve, regarde dans la même direction qu'elle. Elle n'a pas trente ans. Sous le foulard, son visage un ovale penché de douleur catholique, madone mendiante. Au coin du lit un autre enfant, maigre et triste, est couché sur le côté comme s'il n'avait plus la force de bouger. Il est difficile de comprendre le lieu où ils sont, une chambre tendue d'un tissu sombre qui avale la lumière. Elle porte un chemisier foncé imprimé de lettres, de mots qui semblent anglais mais elle ne l'est sûrement pas, anglaise. Derrière elle une bête en peluche, un ours à tête de grenouille, ou à trompe, pas familier.
Soudain je vois que si elle tend la main, ce n'est pas vers quelqu'un. Son regard et celui de l'enfant malade deviennent compréhensibles. Elle brandit la télécommande d'un téléviseur.
Qu'est-ce qu'elle peut bien regarder, avec cette expectative?  Qu'est-ce qui viendra?



on peut les voir , celles-ci et d'autres.

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