Assise dans le métro, une jeune femme regarde une pile de photos qu'elle vient visiblement de faire tirer. L'une après l'autre elle les examine lentement, avec attention. Son visage ne révèle rien.
Puis un homme debout derrière elle jette un coup d'oeil distrait aux images. Puis à elle. Il a l'air abasourdi.
Oui, la curiosité est un vilain défaut. Je me déplace un peu sans trop me soucier d'être discrète, la femme toute à sa concentration ne sait pas que j'existe.
Ses photos sont noires. L'une après l'autre, noires. Pas pleines-de-grain-mais-si-on-regarde-bien-on-devine-le-bébé-sous-le-sapin. Noires d'un beau noir brillant, avec parfois une minuscule tache de lumière comme au bout d'un mat sur une mer sans lune.
Dans ce noir, il est évident qu'elle, elle voit des choses. Tout ce qu'elle sait que ces images en réalité montrent, tout ce qui se cache dans l'ombre. Nyctalope de l'intime, elle est la seule qui puisse le voir.
Peut-être que toutes les photos qu'on appelle souvenir devraient être comme ça, pour dérouter la perfidie du pouvoir -par ailleurs si précieux- qui veut qu'une fois l'instant fixé, il est difficile d'éviter la cristallisation de la mémoire.
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