Albert Cossery est mort. L'article était illusté d'un portrait magnifique, un visage comme un concentré de visage, vieux poing moqueur et minuscule qui saurait tout des bagarres et des caresses. Et des longues siestes, bien sûr.
Il est mort dans sa chambre de l'hôtel de La Louisiane, où, si j'ai bien compris, il avait vécu depuis l'après guerre.
J'y ai dormi quelques nuits, à la Louisiane, hôtel sans téloche dont les employés vous regardent dans les yeux, larbins de personne. Je me souviens y avoir pensé à lui, à Cossery, respect pour un fantôme (sans lui, certain gosse rageur n'aurait pas su se servir d'une fronde). Et j'ai honte: je le croyais déjà mort.
Un matin, avant de sortir de l'hôtel pour une rencontre importante, j'ai griffonné cinq-six mots, un truc-qui-porte-chance, sur un bout de papier que j'ai plié et replié, puis glissé derrière le miroir, certaine qu'il y resterait toujours, ou jusqu'aux prochains grands nettoyages, en tout cas bien assez longtemps pour ne plus rien signifier pour personne.
Le rendez-vous s'est bien passé.
Tard ce soir-là, de retour à ma chambre, j'ai ouvert les draps. Et j'ai retrouvé mon bout de papier, soigneusement placé bien au centre du lit, juste sous l'oreiller. Le hasard n'a pas les mains si précises.
Quelqu'un donc veillait sur moi avec gentillesse.
Une gentillesse un brin ironique.
Jun 24, 2008
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